Samaritaine, le boulet de Bernard Arnault
Le magasin du Pont-Neuf accumule les pertes. LVMH l’a sorti du périmètre de sa filiale DFS pour le reprendre en main. En direct. Pas facile, car la "Samar" cumule les handicaps.
Encore une information sur les Arnault, de notre confrère Glitz. La famille profiterait de la chute du cours de LVMH pour acheter des actions au point de bientôt passer la barre des 50% du capital
Finamas, la foncière de la famille Masliah et la Caisse d'Epargne de Marseille s’associe, selon le site CFNews Immo, dans une foncière dotée de 300 millions, qui vient d’acheter un immeuble de bureaux, avenue du Prado à Marseille.
Philippe Louis-Dreyfus et sa famille vont céder 80 % de leur groupe LD Armateurs (CA : env 400 M€), spécialisé dans les navires de service, au fonds Infravia, qui gère 16 milliards de capitaux.
Un bijou : cher et… inutile
La Samaritaine voit le jour en 1870, dans l’arrière-fond d’un café de la rue de la Monnaie. C’est là que s’installent Ernest Cognacq, un camelot venu y vendre ses calicots, et son épouse, Marie-Louise Jaÿ, une vendeuse du Bon Marché. Bernard Arnault, à coups de millions (750 au total), lui a refait une beauté. Et, avec lui, comptait rééditer le succès de son autre grand magasin parisien, le Bon Marché, qui lui, fait le plein.
Les clients viennent à la Samaritaine pour admirer le magasin. Pas pour acheter.
Mais, au lieu d’un succès, la Samaritaine est devenu un boulet. Bernard Arnault, qui possède plus de 48% de LVMH, a sorti le grand magasin du Pont-Neuf du périmètre de sa filiale de « Travel Retail », DFS. Une manœuvre réalisée fin décembre, à quelques jours seulement de la fin de l’année fiscale. C’est ce qu’on appelle du « Window dressing ». Traduction : un tour de passe-passe légal, pour que les pertes de la Samaritaine ne pèsent pas sur les résultats déjà catastrophiques de sa filiale duty-free. Les pertes de DFS sont en effet passées de 50 millions à 200 millions d'euros entre 2023 et 2024.
Il faut dire que les résultats de la Samaritaine sont pour le moins… décevants : ses pertes auraient atteint 80 millions d’euros l’an dernier pour un volume d’affaires estimé à 260 millions. Conçu directement sous l’égide du PDG du groupe, rénové à grand frais, le grand magasin voit ses allées remplies de badauds, venus admirer son magnifique grand escalier et sa prestigieuse fresque des paons (424 m²) sous la verrière du dernier niveau. Mais des clients, venus acheter les articles des 600 marques présentes, on n’en voit quasiment pas!
Le magasin lors de son inauguration, en 2021, avec Emmanuel Macron.
Méga-projet, méga-pertes
Du coup, les pertes s’envolent : on parle de 80 millions d'euros de pertes l’an dernier. Et, de source syndicale, les pertes étaient de 90 millions d’euros en 2023, pour un chiffre d’affaires - attention, le chiffre d’affaires est différent du volume d’affaires réalisés par les boutiques indépendantes dans le magasin - de… 60 millions d’euros !
Bernard Arnault a annoncé début janvier en CSE qu’il allait faire appel au savoir-faire de son autre grand magasin parisien, le Bon Marché, pour redresser la barre de la Samaritaine. Depuis déjà sept mois, la Samar est sous l’œil de Catherine Newey, l’ancienne directrice du Bon Marché, mais aussi directrice générale de DFS. Elle a revu le mix produit et rendu l’offre plus accessible aux clients et notamment aux clients parisiens. Elle a aussi poursuivi la réduction des effectifs. Ils sont passés de presque 1000 salariés à 500 en trois ans. Elle a aussi fait venir Olivier di Maggio, autre transfuge du Bon Marché pour reprendre en main le magasin de la rue de Rivoli.
Mais au fait, comment Bernard Arnault s’est-il fourré dans ce guêpier ?
En réalité, Bernard Arnault est confronté à plusieurs écueils autour de ce magasin et de sa maison-mère (jusqu’à récemment), DFS, la filiale duty-free du groupe. Cela explique entre autres la sortie de la Samaritaine de DFS et aussi d’autres décisions… Il y a quelques mois, le directeur général de DFS, Benjamin Vuchot (qui avait participé à l’inauguration de la Samaritaine) était remercié et remplacé par ED Brennan, un proche du PDG. Le groupe devrait aussi fermer un autre actif phare de la filiale de Duty-free du groupe, son nouveau méga-magasin de Venise, le Fondaco dei Tedeschi (7000 m² pour 750 marques).
Un archipel d’écueils marketing
Parmi ces écueils, le principal est sans aucun doute la conjoncture. La crise du Covid a fait s’écrouler les flots de touristes chinois, au fort pouvoir d’achat, qui étaient le moteur de la croissance à deux chiffres, pendant une décennie, des grands magasins parisiens. Ils ont constitué jusqu’à 40% de la clientèle des Bon marché, Printemps et autres Galeries Lafayette... Les Américains étaient revenus, mais ont disparu l’an dernier, le temps que se passent les Jeux Olympiques, entrainant des chutes de 20% des ventes des grands magasins du centre de Paris, proches de la zone rouge des Jeux.
Deuxième problème : une erreur de casting. En confiant à DFS un grand magasin parisien, LVMH a délégué la gestion fine et toujours délicate des flux de clientèle et de l’offre de produits à un spécialiste des boutiques d’aéroports, installés à Hong-Kong et donc très loin de Paris. C’est en effet DFS qui gérait les achats et les réassorts. Avec comme conséquence des produits inadaptés, des rayons mal placés et des marques réclamées par les clients et pourtant absentes des étals.
Et Hidalgo… toujours!
Troisième problème : l’emplacement. Coté quai, des touristes sans le sou. Coté Rivoli, des clients fortunés, venus emprunter l’une des plus belles artères de la capitale. Mais ça, c’était avant. En une décennie d’une politique urbaine agressive, la maire de Paris, Anne Hidalgo, a progressivement transformé l’artère haussmannienne en zone piétonnisée, peu accueillante pour les automobilistes. Depuis fin 2024, elle y a, de plus, imposé la première zone à trafic limité (ZTL) de Paris. Et cet accès très complexe et complètement congestionné aux heures de pointe, ne va pas s’améliorer avec les grands chantiers qui vont être lancés et qui devraient durer jusqu’en 2030 : réaménagement de la place de la Concorde, « renaissance » du Louvre et refonte de la place du Louvre… Cela joue sans doute aussi sur la fréquentation du grand magasin par une clientèle qui n’a pas forcément l’habitude de « profiter » des transports en commun parisiens.
Ce magasin est superbe mais son problème est l'incohérence du positionnement ultra haut de gamme avec son implantation. Rivoli ce n'est pas les Champs-Elysées niveau flux de touristes, ni même Haussmann qui peut proposer une offre plus large. Et s'agissant des parisiens, la rive droite, n'étant pas la rive gauche, ça n'arrange rien...
Très intéressant. Moi qui fus jadis cliente de la « Samar », je n’avais plus du tout le réflexe ces derniers temps d’y aller autrement, effectivement, que pour y déambuler ! Et rien acheter