Rodolphe Saadé, le milliardaire qui ne payait pas d’impôt
Malgré un patrimoine estimé à 36 milliards, celui qui s'apprête à acquérir BFM TV profite d'une disposition de la loi, qui exonère les armateurs d’imposition sur la quasi-totalité de leurs profits
Heureux comme un Riche en France ! Enfin, certains sont plus heureux que d’autres... car ils ont tout compris au maquis fiscal créé par notre belle administration.
Prenez Rodophe Saadé, la 5ème fortune française avec un patrimoine estimé à 36 milliards d’euros. Sa fortune a récemment explosé : il y a trois ans, il ne pesait « que » 6 milliards. Entretemps, le groupe est passé d’un déficit à une profitabilité hors du commun. CMA CGM va bien. Très bien même, puisqu’il a affiché le plus gros bénéfice jamais enregistré par une entreprise française : 24,9 milliards d’euros en 2022. Et ça, sans (quasiment) payer d‘impôt, grâce à une disposition de la loi française, qui exonère les armateurs d’imposition sur la quasi-totalité de leurs profits.
Une niche fiscale vouée à disparaitre ?
Mais les prochaines élections législatives du 30 juin prochain pourraient remettre en cause cette belle niche fiscale. Le RN a promis de supprimer ce régime fiscal dérogatoire dont bénéficient le fret maritime dès son arrivée au pouvoir. C’est aussi au programme des partis de gauche, LFI en tête, qui ont prévu de supprimer d’urgence un certain nombre de « niches fiscales inefficaces, injustes et polluantes ».
Polluante, peut-être, mais inefficace, surement pas. En tous cas pour Rodolphe Saadé. Grâce à cette niche, le multimilliardaire ne paie quasiment pas d’impôt alors qu’il devrait se retrouver avec un impôt au régime commun de 25% sur les bénéfices pour sa société. Soit, pour 2022, un chèque de 9 milliards d’euros à verser au fisc français. C’est presque la moitié des 20 milliards d’euros que cherche vainement à trouver Bruno Le Maire pour réduire le déficit ! Mais il n'a payé que quelques centaines de millions d'impôts (et encore moins en 2023).
Un manque à gagner multiplié par cinq en six ans
Pourquoi? Parce qu'en 2003, pour lutter contre la concurrence chinoise, l’UE a permis que les armateurs des états membres soient imposés sur le tonnage qu’elles transportent et pas sur leurs bénéfices. Depuis, CMA CGM s’acquitte donc d’une taxe de 24 centimes d’euros sur chaque tonne de marchandise convoyée. Mais si le nombre des conteneurs transportés n’a pas beaucoup varié (22 millions d’une année sur l’autre), les prix facturés pour ce transport, eux, ont beaucoup augmenté, faisant exploser les profits des transporteurs! Avant la crise du Covid, souligne le quotidien Les Echos, expédier un conteneur de la Chine vers l’Europe coutait moins de 2000 $. Il s’est ensuite envolé à plus de 15000 $ en 2021 avant de retomber à 5 à 6000 $ aujourd’hui. Et du coup, la mesure, qui était presque indolore pour les finances publiques, entraine pour l'Etat un manque à gagner multiplié par cinq en six ans.
Mais, pour le moment,, Rodolphe Saadé, propriétaire, avec sa sœur Tanya et son frère Jacques, du troisième groupe mondial de transport maritime, peut savourer sa situation. La France est un pays de lait et de miel… pour qui sait, comme lui, bien s’y prendre…