Quand le Ritz fermait les yeux sur les viols de son propriétaire milliardaire
Le célèbre hôtel parisien, qui vend aujourd'hui son mobilier chez Artcurial, fait face à du plus sérieux : les viols d'ex-employées par son propriétaire - disparu en 2023 - le milliardaire M. Al-Fayed
Moins d’une semaine après la sortie d'un reportage accablant de la chaine britannique BBC sur le comportement de l'ex-propriétaire du Ritz et du grand magasin Harrods de Londres, le milliardaire Mohamed Al-Fayed (décédé l’an dernier), on apprend que le Ritz, justement, savait tout de ses pratiques. Avant même qu'une demi-douzaine d'employées ne portent plainte, la direction de l'hôtel avait provisionné des sommes importantes pour faire face aux procès qu'elle anticipait...
Un self-made-man
Mohamed Al-Fayed, qui est mort l'an dernier, avait accumulé une fortune estimée à 2,5 milliards d'euros, que se disputent aujourd'hui ses héritiers : sa seconde épouse, l'ex-mannequin finlandais Heini Wathen, 68 ans, et leurs quatre enfants, Jasmine, 42 ans; Karim, 40 ans; Camilla, 38 ans et le benjamin, Omar, 35 ans. L’égyptien avait commencé comme vendeur à la sauvette dans les rue du Caire avant de monter un groupe puissant. En 1979, il avait acheté l’Hôtel du Ritz, à Paris, pour 30 millions de dollars, puis en 1985, le célèbre magasin londonien Harrods, payé 615 millions de livres. Sponsor du «Royal Windsor Horse Show», il y avait rencontré Diana Spencer, qu'il avait invitée sur son yacht en 1997, lui présentant son fils, Dodi. Tombés amoureux, Diana et Dodi s'étaient ensuite rendus à Paris pour séjourner au Ritz, mais étaient morts dans un terrible accident de voiture. Voila pour le parcours du bonhomme…
Mohamed Al-Fayed, quelques mois avant sa mort, en 2023
Un milliardaire sans scrupules
Mais depuis des mois, des voix s'élevaient pour dénoncer les comportements de ce milliardaire sans scrupules, qui aurait maltraité plus d'une quarantaine d'employées. Un documentaire de la BBC, intitulé “Un prédateur chez Harrods" et diffusé la semaine dernier, fait état d'une vingtaine de témoignages de viols de salariées de Harrods, mais aussi d'autres propriétés du milliardaire, en Malaisie, en Australie, en Italie, en Roumanie, aux États-Unis, au Canada et... en France. Au total, ce sont 37 plaintes qui ont été déposées dont plusieurs par d'ex-employées du Ritz. "Mohamed Al-Fayed était un prédateur malade. J'étais si jeune, je ne savais pas quoi faire ni comment réagir»", déclarait la semaine dernière Natacha, l'une des accusatrices.
Des victimes de Mohamed Al-Fayed lors de l’émission de la BBC, la semaine dernière
Etrange Silence
La direction de Harrods (le magasin londonien est passé en 2010 sous pavillon qatari), a «fermement» condamné le comportement de son ancien propriétaire, et présenté ses excuses pour avoir «laissé tomber (les) employées qui ont été ses victimes». On attend encore, à ce jour, une réaction de la direction du Ritz, qui était parfaitement au courant. Le site Glitz révèle que le Ritz s'est bien gardé de donner l'alerte et que la direction avait même commencé à provisionner des sommes importantes dans ses comptes en vue de dédommager les victimes, dix ans avant la mort de son propriétaire. Un silence incompréhensible, alors que la loi (article 222-33 du code pénal) oblige les entreprises à dénoncer ces pratiques condamnées par la Justice... et la morale.
Le site d’Artcurial ou l’on peut acheter des meubles et objets du Ritz
Casseroles à revendre
Ca tombe d'autant plus mal qu'aujourd'hui et demain a lieu, à Paris, un événement qui devait donner une belle image de l'hôtel : la vente aux enchères, par la maison Artcurial, d'une partie des objets et du mobilier de cet établissement, symbole du luxe et du raffinement depuis 126 ans. L'hôtel a fait l'objet de plusieurs campagnes de rénovation et a changé une partie des meubles de ses 71 chambres et sa centaine de suites aux murs ornés d’œuvres d’art anciennes, qui portent encore les noms de leurs habitués les plus célèbres : César Ritz, Maria Callas, le Prince de Galles, Coco Chanel, F. Scott Fitzgerald, Marcel Proust… Cette vente disperse au total 1500 objets. Depuis les verres marqués du célèbre "H" du bar Hemingway (qui a connu Gianni Versace, Audrey Hepburn, Coco Chanel, Elton John, Keith Haring et Winston Churchill et qui a donné naissance au cocktail "bloody Mary") jusqu'aux canapés des salons, en passant par les batteries de cuisines. Il est vrai que l'établissement a sans doute besoin, avec cette affaire, de se débarrasser de quelques casseroles...