Le pied de nez de Seydoux, le "patron" du cinéma français, pour le festival de Cannes
Le milliardaire Jérôme Seydoux, 90 ans, vient de céder 15% de son groupe Pathé aux milliardaires Saadé. Pourquoi? Organiser sa succession, trouver de nouveaux moyens ? Notre réponse...
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La famille Peugeot (Fort. 4,5 Md€) reprend les études! Ou plutôt elle a annoncé prendre 15% du réseau d’enseignement spécialisé dans le paramédical Novétude, piloté par Charterhouse, le valorisant, selon CFNEWS, environ 700 M€.
Le procès de l’affaire Apollonia, en cours, montre l’ampleur de cette escroquerie, qui a couté environ un milliard d’euros à 660 familles aisées, à qui cette officine a fait acheter 5300 biens surévalués, destinés à la location en meublé.
Selon la revue Nature Climate Change, les 10 % les plus riches de la planète ont un impact carbone deux fois plus important que tout le reste de la population réuni et sont responsables des deux tiers du réchauffement climatique depuis 1990.
Les Saadé prennent 15% de Pathé, pour l’ouverture de Cannes
Le patriarche Jérôme Seydoux, 90 ans, fait entrer un “petit jeune” Rodolphe Saadé (CMA CGM), 56 ans, dans sa bergerie.
Certains vont se faire une toile, d’autres espèrent monter les marches du Festival de Cannes (qui vient d’ouvrir ses portes). Les Saadé, eux, achètent carrément une loge dans le premier groupe de cinéma français, Pathé. Mais que veut donc obtenir le président de Pathé avec cette entrée d’un nouvel actionnaire qui n’a pas pour réputation d’être un partenaire dormant? C’est ce qu’on va voir… Mais pour bien comprendre ce qui se passe, il faut obligatoirement passer par la case “Monsieur Cinéma”. Et ce Monsieur Cinéma, c’est Jérôme Seydoux…
Un patron qui se considère comme immortel
L’an passé, au journaliste du figaro qui l’interrogeait sur sa succession, le vieux lion du cinéma Français, agitant sa crinière blanche, a rugi : « Pourquoi voulez-vous parler de ma succession? Cela ne regarde pas vos lecteurs !» Le président (et propriétaire à 100% jusqu’alors) du groupe Pathé, crédité d’une fortune de 1,5 milliard d’euros, est persuadé d’être immortel, même s’il vient de souffler ses 90 bougies. Et il n’a pas du tout l’intention d’arrêter, au point que personne, dans les couloirs de Pathé, n’oserait faire moindre allusion à sa succession !
Il faut reconnaitre que sous sa direction, le groupe Pathé a plutôt bien prospéré. En fait, il ne s’est jamais aussi bien porté. Des films produits par son groupe ont ouvert et vont fermer le festival de Cannes. L’année dernière, c’est aussi lui qui a cartonné avec « Le comte de Monte-Cristo » (10 millions d’entrées). Ces succès sont le fruit d’un travail acharné. Jérôme Seydoux n’arrête jamais ! Ancien analyste financier, il a travaillé un temps au sein de l’empire familial et pétrolier Schlumberger. Mais il s’en est fait virer ! On en comprend assez vite la raison : l’homme aime parler cash, au risque d’effrayer comme il y a deux ans, quand il lâche, face à la baisse de fréquentation des salles, que « le cinéma français manque de courage et d'ambition » et que « les gens ne veulent pas aller au cinéma pour se faire chier ! »
Une ascension qui ne doit rien à personne
L’homme, furieux de s’être fait évincer de la société familiale, a donc pris sa revanche, en multipliant les coups. Il a successivement exercé dans le textile (Chargeurs), l’aérien (patron de UTA), la communication (La Cinq, le Nouvel Obs, Libération…) et le sport (l’Olympique Lyonnais) avant de découvrir le grand écran, version business et de racheter Pathé, en 1990, à 56 ans. Mais il va vraiment décoller avec le plus grand coup de sa carrière, en 2017 : le rachat à son frère Nicolas, qui pilote Gaumont, des 44% qu’il ne détenait pas encore dans le réseau Europalaces. Cela va faire de lui l’arbitre du cinéma français. A la fois producteur : il finance plusieurs dizaines de titres par an. Et distributeur : son réseau, qui compte plus de 1300 écrans, en France, aux Pays-Bas, en Suisse, en Belgique et en Tunisie, a affiché l’an dernier 57 millions d’entrées et plus d’un milliard de chiffre d’affaires.
Huit enfants mais (surtout) pas de successeur désigné
Dans une famille très cinéma (ses frères sont aussi producteurs et distributeurs), Jérôme Seydoux doit aussi compter avec sa petite-fille, Léa, ici en 2024 à… Cannes.
Dans Succession, la série de papiers du Monde parus il y a deux ans, un ancien salarié expliquait "À 50 ans, il disait qu'il s'arrêterait dix ans plus tard. À 60 ans, il jurait de prendre se retraite à 70. Depuis qu'il a largement dépassé les 80, il ne parle plus de rien !" En 2013, dans le même journal, Jérôme Seydoux évoquait pourtant sa succession -ce serait la dernière fois qu’il en parlerait- en disant : "il ne faut pas prendre sa retraite : il convient de mourir sur scène." Et pas question de transmettre le flambeau au premier rejeton venu. Il est vrai que a famille a été marqué par deux tragédies. En 1987, son associé Christophe Riboud (fils de celui qui l’avait licencié de Schlumberger) meurt à 37 ans dans un accident de voiture. Déjà père de quatre enfants avec Hélène Zumbiehl, Jérôme Seydoux la quittera pour épouser, en 1988, la veuve de son associé. Son ex-femme, Hélène se suicidera un an plus tard...
Avec ses deux femmes, Jérôme Seydoux a eu cinq enfants (et il a adopté les trois de sa seconde femme). Mais aucun des huit n’est pressenti pour lui succéder. Ni d’ailleurs aucun autre membre de sa très grande famille. Celle-ci ne manque pourtant pas de bons connaisseurs du milieu du cinéma, comme par exemple Léa Seydoux, la fille de son fils Henri. Le patriarche considère d’ailleurs que la succession n'est pas un droit de naissance. Et depuis des années, il s’est ingénié à éliminer un à un tous ses dauphins potentiels. Allez, ouste, semble-t-il dire : « je ne veux voir qu’une tête : la mienne ! »
“Allez, ouste, du balai mes successeurs!” A 90 ans, le président de Pathé prouve qu’il est encore le maître des horloges…
Un coup de main externe… et un pied de nez
D’où l’idée d’un coup de main externe. Venant d’une famille dont il comprend bien le business puisque Chargeurs, c’était à la fois le textile et le transport… Pour la famille Saadé (regardez d’ailleurs notre saga sur cette famille), c’est l’occasion d’accéder à un secteur encore plus prestigieux que les médias, dans lequel elle s’était engouffrée ces derniers mois avec les rachats de la Provence (2022), la Tribune (2023) et BFM-RMC (2024). Actionnaires à 74% de CMA CGM, troisième armateur mondial, les Saadé en ont les moyens. Leur groupe a dégagé un Ebitda de 13,5 milliards de dollars l’an dernier, soit une marge de 24,2%. Et leur bénéfice net a grimpé, en un an, de… 57%, à 5,71 milliards de dollars. Les premiers bénéficiaires de cette manne sont les actionnaires familiaux de la famille Saadé, regroupés dans un holding, Merit, qui accumule plusieurs milliards d’euros de trésorerie. Et l’entrée dans Pathé ne va pas beaucoup écorner leur trésor de guerre : les spécialistes évaluent le cout des 15% acquis à l’occasion de cette augmentation de capital de Pathé à moins de 200 millions d’euros. Mais pour les Saadé, c’est une diversification qui leur donne une nouvelle respectabilité. Pour Jérôme Seydoux, c’est officiellement, un moyen de trouver de nouveaux moyens et d’investir. En réalité, il y trouve un autre avantage : c’est une façon de dire à tous ceux, sa famille, ses alliés, ses salariés, qui spéculent sur son passage de relais, « voyez, j’ai encore la capacité de bouleverser les cartes ! » Et de ce point de vue, c’est plutôt réussi !