Ces familles qui mettent la main sur le CAC40
Une grosse dizaine de familles détiennent 21% de l'indice CAC40. Deux fois plus qu'il y a dix ans. Mais comment font-elles alors que les investisseurs individuels quittent la bourse, dégoutés ?
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Philippe Benacin (Fortune estimée: 870M€), PDG cofondateur d’Interparfums, lorgne sur certaines licences de l’américain Coty, notamment Burberry et Hugo Boss.
Selon la Lettre de l’Expansion, la famille Agnelli (Fortune estimée: 13Md€) cherche à prendre 15 à 20 % d’une (très) grande société européenne comme ils l’avaient fait avec Philips. Il faut dire qu’ils ont encaissé 3 Md€ en vendant 4% de Ferrari.
Vincent Bolloré (Fortune estimée: 11 Md€) vient d’acheter un immeuble de 8700 m² sur le bd Saint-Germain. Le prix ? Environ 115 M€. Soit un peu plus de 13 000 €/m². C’est peu pour le quartier, mais il y a beaucoup de travaux...
Le capitalisme familial, ce survivant inattendu du CAC40
Les grandes familles actionnaires ont une vision plus stratégique, sont capables de plus d’endurance et de résilience que les fonds et les actionnaires individuels. Et au final, elles parviennent à mieux gérer leurs participations. La preuve en chiffres…
On pensait que les grandes familles capitalistes étaient une espèce en voie d’extinction, reléguée aux manuels d’histoire économique. Eh bien, pas du tout. En 2023, elles ont même repris du poil de la bête. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les actionnaires familiaux détiennent désormais plus de 21 % du CAC 40. C’est deux fois plus qu’il y a dix ans.
Dans le trio de tête : les Arnault, les Hermès, les Bettencourt Meyers. À eux seuls, ils pèsent près de 16 % de l’indice. La famille Arnault rafle la mise avec LVMH (7,3 %), suivie des Hermès (5,5 %) et des Bettencourt Meyers (3,4 %). Et tout ça, sans même lever la main : ce sont les cours en bourse qui font tout le boulot.
D’après vous, il s’agit 1) de la famille Arnault, 2) du clan Hermès, 3) de la famille Bettencourt-Meyers ? Vous avez trois minutes pour répondre…
Luxe, calme et prospérité
Ce retour en grâce, il faut l’attribuer au sacro-saint secteur du luxe. En 2023, Hermès explose (+188 %), LVMH s’envole (+77 %), et mécaniquement, les familles derrière ces marques deviennent des poids lourds du CAC. Résultat : en investissant dans le beau, elles gagnent gros. Pas de miracle ici, juste une stratégie patiente et très rentable. Mais attention, les actionnaires familiaux, ne sortez pas les confettis trop vite! Votre capitalisme « à la papa », à base de transmission, de stabilité et de bienveillance affichée, peut dérailler. Exemple concret : la famille Peugeot. Longtemps aux manettes du groupe PSA, elle a fini par céder la majorité du capital après des années de conflits internes et de résultats en dents de scie. Résultat : Stellantis est aujourd’hui dirigé par John Elkann, héritier des Agnelli de Fiat. Et la famille Peugeot n’a plus le volant. Quand la gouvernance familiale ne suit pas, le modèle craque.
La recette : savoir gérer sa succession
Edouard Michelin en 2018. L’année suivante, Florent Ménégaux, un non membre du clan Michelin, prenait les rênes de l'entreprise. Mais la famille fondatrice reste très présente et conserve environ 7% du capital.
Tout tient à la transmission. Il faut la réussir et ça, c’est plus facile à dire qu’à faire. En France, seule une entreprise familiale sur sept passe à la génération suivante. En Allemagne, c’est une sur deux. Un écart qui s’explique par la fiscalité, mais aussi par le manque d’anticipation. Les exemples de désaccords familiaux ne manquent pas : Casino, Mulliez, Peugeot… Rien de pire qu’un conseil d’administration transformé en dîner de famille qui tourne mal. Mais rien de mieux qu’un passage de témoin bien huilé. En témoigne ce mouvement récent au sein du conseil d’administration de Dassault. Fin mai, Laurent Dassault, le deuxième fils de Serge Dassault, a cédé son fauteuil au conseil à la quatrième génération, Julien, 46 ans, et Adrien, 41 ans. Ce départ ne bouleverse pas l’organigramme du groupe, dont le holding GIMD reste présidé par son cadet, Thierry Dassault, 68 ans. Les deux nouveaux venus ont été bien formés, et sont passés par différentes filiales de l’empire…
Les particuliers, eux, font de la figuration
Mais pendant ce temps, les particuliers, eux, désertent la Bourse. En 2020, dopés par le Covid et l’introduction en fanfare de la Française des Jeux, ils représentaient jusqu’à 200 millions d’euros de volumes d’échanges par jour. Aujourd’hui? Moins de 100 millions. Et leur part dans le CAC40 qui était légèrement remontée à 5,3 % en 2023 est bien vite retombée. Pourquoi cette désaffection ? Par manque de confiance, complexité des marchés, frais élevés, mais aussi concurrence des cryptos, de l’immobilier, voire du livret A. Bref, pendant que les familles s’installent durablement, les petits actionnaires, eux, quittent la scène.
Le capitalisme familial gagne du terrain, pas forcément parce qu’il est vertueux, mais parce qu’il est solide, qu’il traverse les crises et sait s’inscrire dans la durée. C’est un modèle qu’il faut scruter de près, et dont nous, les investisseurs individuels (et tous ceux qui ne sont pas membre d’une richissime famille cotée en bourse…), aurions tout intérêt à nous inspirer.